• Je partage avec vous cet extrait d'un article à venir de Nathalie Etoke, professeur de français dans une université américaine, à Brown University, Providence. L'article s'intitule "Black Blanc Beur: Ma France à moi, Nouvelles Études Francophones". Il y est question de ma littérature, et notamment de mon roman, et la manière dont elle en parle m'a touché parce qu'elle en fait une analyse juste. Je tiens ici à la remercier.

    Voici donc l'extrait :

    J'ai enseigné ce livre à Brown University et à Boston University, dans le cadre d'un cours intitulé Black Blanc Beur.

    Mohamed Razane s'inscrit dans la tradition sartrienne de la littérature engagée: "L'écrivain "engagé" sait que la parole est action: il sait que dévoiler c'est changer et qu'on ne peut dévoiler qu'en projetant de changer" (Jean-Paul Sartre 30). Dit violent effectue ce travail de dévoilement à travers le récit de vie chaotique d'un jeune homme nommé Mehdi. Fils unique de parents marocains, il est confronté à la maltraitance paternelle et à l'exclusion sociale. Au cours d'une altercation avec son père, il le tue. L'existence de ce personnage est marquée par la frustration et le nihilisme. Les moments les plus forts du roman sont ceux où l'écrivain offre au lecteur le portrait d'une jeunesse dont l'exil dans la violence témoigne moins d'une haine de la France que du dépit amoureux.

    La situation géographique et socio-économique de Medhi lui ferment l'horizon des possibles sans pour autant l'empêcher de vouloir une amélioration de son existence. Cependant lorsque la volonté faiblit face à l'inéluctabilité du système compresseur, la violence et l'autodestruction sont les seules réponses. Dit Violent, examine le parcours erratique d'un individu dont la soif de vie se heurte à la fatalité qui caractérise son environnement. L'écriture placée sous le signe de l'antithèse et du désir témoigne d'une lutte constante entre la difficulté à concilier une réalité pessimiste et des aspirations optimistes: "j'étouffe alors que je voudrais respirer. Je balade ma tronche de tueur alors que je voudrais voir mon visage s'animer d'un agréable sourire, je voudrais et je n'ai rien de tout cela" (156).

    Nathalie Etoke
    Visiting Assistant Professor of French and Francophone Studies
    Department of French Studies
    Brown University
    Providence Rhode Island


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  •  Samedi 7 Mars à 10h10, rediffusion le soir à 20h10
    Emission "Microscopie" , Radio RFI

    Je débattrai du thème Banlieue/culture avec :
    - Marc Hatzfeld, ethnologue auteur de « La culture des cités » éditions Autrement.
    - Christophe Rauck, metteur en scène et directeur du théâtre Gérard Philippe de Saint Denis.

    Emission présentée et animée par Edouard Zambeaux

    Fréquences de la radio.

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    "Est-ce que tu es préparé ? Que fais-tu contre le foisonnement ?" (Michaux)
     
     A côté de la part stérile de la crise, qui fabrique une psychologie de la conservation et une sorte de grande peur, il y a une belle occasion pour l'homme d'inventer l'homme. Le mot crise est d'ailleurs un leurre car le réel souffre de longue maladie, nous vivons sans nous en rendre bien compte en état critique permanent et ce qui se produit aujourd'hui n'est que la phase tsunamique d'un processus qui contient la logique de ses propres excès.
    Or s'il y a bien une chose à laquelle invite l'emballement actuel, c'est à un arrêt complet des moteurs le temps d'une pause réflexive minimale. Ce qu'il y a à saisir en effet, ce n'est pas, sur le dos de l'accident général, une opportunité de se frotter les mains, à l'instar d'un supplément de quotidien qui titrait tout récemment :« La crise est là, comment en profiter ? »(1); c'est bien davantage, pour la pensée, une sommation à revenir aux sources. Ce qui ne veut pas dire du tout que l'heure de penser nous éloignerait du réel, contrairement à ce qu'une opinion paresseuse, entretenue par les pourfendeurs de tout scepticisme, aimerait faire croire. C'est bien parce que la pensée est toujours au cœur du réel, qu'elle l'incline selon des directions déterminées et que les forces antagonistes qui ressurgissent ici ou là, en Guadeloupe ou en Grèce par exemple, mais ce pourrait être ailleurs dans l'histoire ou sur la planète, ne sont rien d'autre que de sporadiques épisodes d'une guerre des pensées depuis longtemps amorcée. Mais la pensée qui fait l'histoire est si souvent inconsciente d'elle-même, elle emprunte si négligemment aux banques des pulsions humaines que ce qu'elle ne supporte à vrai dire pas, c'est son redoublement, sa mise en miroir ironique ou critique. Tout pas de côté, tout exercice de conscience incommode et non soumise est une atteinte directe à l'unilatéralité d'une mise au pas du monde. Si bien que, là où la situation exige objectivement une reconsidération globale du système, un ralentissement des machines à mouvements, on assiste à un absurde et suicidaire traitement de la vitesse par l'accélération.

    Le problème de la chose collective est d'autant plus tendu qu'il s'empêtre à la fois dans l'impossibilité de recourir à la science et dans la nécessité d'une prise en charge du monde menée dans l'inespoir le plus total que les actions d'aujourd'hui soient reconduites demain... Lire la suite

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  • Voici le texte d'une amie psychiatre qui s'élève contre la stigmatisation par nos politiques publiques des enfants en difficulté :

    La folie est un autre mot pour nommer la réalité ou la dimension psychique de chaque être humain, petit ou grand, elle nous concerne tous.
    Si elle dépend du contexte historique, sociopolitique et culturel d'une époque, aujourd'hui il convient de souligner qu'elle semble dépendre étrangement du contexte économique. Nous sommes tous touchés par les outrances du système capitaliste et effectivement il est grand temps de se réveiller et de se mobiliser collectivement pour arrêter la casse des enfants en difficultés et la destruction systématiques des lieux, des moyens et des valeurs qui nous permettent d'accueillir, d'écouter et de soigner notre rapport à l'altérité.
    Notre engagement analytique sous-tend un engagement politique radical.

    En effet cette dimension de l'altérité, de l'hétérogénéité que nous ne cessons de travailler avec les patients, petits ou grands, dans l'espace intime transférentiel, fait écho au rejet de l'altérité que nous vivons actuellement dans notre espace social embolisé, par des lois ou projets de lois haineux et meurtriers .
    Les enfants nous apprennent ce qui leur en coûte de désobéir et de résister aux injonctions de formatage qui méconnaissent et dénient la subjectivité. Petits, leur agitation témoigne de l'obstruction de leur espace de pensée et d'individuation. A défaut de pouvoir se faire entendre ils donnent à voir : c'est dire qu'ils appellent, ces petits chercheurs de sens. Avant de pouvoir devenir un bon élève ils demandent à être reconnus dans leur singularité et que soient entendues leurs potentialités créatrices, imaginaires ou ludiques et leurs souffrances.
    Adolescents, ils sont trop nombreux à nous dire "qu'apprendre ne sert à rien" car la toute puissance du commerce et de l'argent, la prévalence donnée aux images, aux apparences, saisies d'autant plus fortement ceux dont les parents absents à leur mission éducative et ceux que l'institution scolaire à déclasser. S'ils n'ont plus d'idée de métier dans lequel ils peuvent se projeter, exceptée celle récurrente de devenir footballeur, ils me disent qu'ils veulent "avoir de l'argent" tout en me racontant leurs cauchemars : ils se voient pris par le camion des ordures et jetés à la décharge !

    Les enfants qui n'écoutent pas leurs parents, qui ne suivent pas les consignes scolaires sont à l'écoute du monde qui les entoure. Ils sentent vraiment par quel monde ils sont meurtris. Ils sont violents car notre monde est violent. Mais derrière cette violence s'entend une tristesse mélancolique : celle du tout ou rien. Ils luttent contre le pouvoir des adultes qui les méprisent tout en les électrisant! Ils ne respectent plus les figures d'autorité car les figures d'autorité ne sont plus respectables quand elles s'acharnent à réprimer, à se polariser sur le comportement en niant la dimension du temps qui permettrait d'y donner du sens. Ils questionnent leur droit légitime d'avoir UNE PLACE à SOI. Qu'un avenir décent leur soit accessible est devenu plus qu'incertain et ils vivent avec un sentiment d'insécurité interne très dense, l'appréhension d'être maintenus en survie ou en surnombre, muselés et condamnés à une sous citoyenneté!
    L'exclusion n'est pas seulement présentifiée par tous ces gens qui dorment dans la rue ou qui n'ont plus de travail. Elle sévit depuis plus de 10 ans dans les collèges et les lycées et depuis peu dans les écoles maternelles et primaires, sans que rien ne soit prévu en échange.
    Les enfants qui résistent font l'objet d'une stigmatisation de plus en plus précoce au service d'un vouloir "orienter". Cette orientation hors du système scolaire classique les conduit à être fichés à la maison des personnes handicapées. Compte tenu de nos valeurs républicaines et démocratiques mais aussi du savoir colossal engrangé depuis plus d'un siècle par les sciences humaines, comment avons-nous pu ne pas interdire l'orchestration d'une telle ségrégation de la jeunesse ????? Comment répondre aujourd'hui de ne pas avoir pu empêcher une telle infamie !
    Cette orientation peut parfois se différer ou s'annuler quand nous avons la chance d'être écoutés ou sollicités par les partenaires sociaux qui savent l'incontournable nécessité de donner à l'enfant le temps dont il a besoin pour tisser un lien de confiance avec un ou plusieurs interlocuteurs qui lui apporteront l'aide demandée à partir de ce qu'il aura créer pour nous appeler à la rescousse.

    Mais aujourd'hui les espaces d'élaboration psychothérapique ne suffisent plus. Tant de lieux d'accueil pour ces enfants si malheureux dans nos écoles de la République seraient à créer ! Les restrictions budgétaires et la collusion entre l'emprise de la bureaucratisation et l'hégémonie des nouvelles techniques objectivant les conduites, s'acharnent à pourrir ce capital créatif propre à la jeunesse et à entraver la vie de la pensée, celle des petits et celle des grands qui se doivent de rester à leur écoute ou à leur service !

    Gilles DELEUZE écrivait en février 1977 :
    "Le vieux fascisme si actuel et puissant qu'il soit dans beaucoup de pays, n'est pas le nouveau problème actuel. On nous prépare d'autres fascismes. Tout un néo-fascisme s'installe auquel l'ancien fascisme fait figure de folklore. Au lieu d'être une politique et une économie de guerre, le néo-fascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d'une "paix" non moins terrible avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de micro-fascistes, chargés d'étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte."

    LILIANE IRZENSKI  -  PARIS, 3 FEV. 2009
    Psychiatre

    PS : Ce texte sera lu au Meeting de "La Nuit Sécuritaire" du 7 février
    Samedi 7 février, de 14 h à 18 h
    "La Parole Errante à la Maison de l'Arbre",
    9 rue François Debergue
    93100 - Montreuil-sous-Bois,
    Metro Croix de Chavaux.(métro ligne 9).

     

    Signez la pétition "La Nuit Sécuritaire"


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  •  Un petit mot sur ma surprise quant aux chiffres de la mobilisation annoncés au journal de 20H. Le présentateur fait mention des chiffres de la préfecture qui évaluaient la mobilisation à 65 000 personnes sur Paris ! Certes, il a également fait mention des chiffres des syndicats ; mais je suis resté stupéfait devant cette évaluation alors que je rentrais tout juste de cette manifestation. Le décalage est abyssale entre ce que j'ai vu et ce qu'ont pu voir les services de la préfecture ! C'est lamentable de voir qu'on paie des gens à compter les manifestants, si c'est pour ensuite trafiquer les chiffres.

    Au soir de la manif, Sarkozy, qui manifestement est revenu de son « Désormais, quand il y a une grève en France personne ne s'en aperçoit », avait jugé « légitimes » les inquiétudes exprimées face à la crise. Et d'ajouter qu'il allait faire acte de « pédagogie, d'explication » face à cette crise.

    Et d'envoyer ses lieutenants pour ressasser son message dans les médias, lequel pourrait se résumer dans la bouche de Brice Hortefeux « Nous sommes attentifs mais on ne va pas changer de cap » (propos tenus sur RTL dimanche dernier).

    Le discours est proprement hallucinant, voire à la limite de prendre les gens pour des imbéciles à ce point tel que l'Empereur (cf le livre du gars Duhamel La Marche consulaire que je trouve déplacé de la part d'un chroniqueur politique si bon d'habitude, et dont on pourrait attendre qu'il produise de l'analyse de nature à nous éclairer plutôt que d'aller s'aventurer à comparer Sarko à Bonaparte)... l'Empereur, disais-je, est disposé à faire acte d'explication. Avant je ne vous écoutais pas, maintenant je vous écoute mais je ne tiens pas compte de ce que vous dites, à la limite je me dis que vous n'avez pas compris mes projets et je vais m'empresser de vous les expliquer, idiots que vous êtes.

    Mais ce que Sarkozy n'a pas bien saisi, c'est que nous avons fort bien compris ses projets, d'ailleurs nous les subissons de plein fouet, et que nous n'en voulons pas. La manifestation n'était pas l'expression d'une inquiétude face à la crise, mais bien un refus du projet Sarkozyste. Tous les slogans que j'ai entendu à cette manifestation, des syndicats, du personnel hospitalier, de la psychiatrie, de la justice, des sans-abris, des étudiants, des fonctionnaires, des travailleurs sociaux, et même de quidams isolés, concourent tous à dire la même chose : On ne veut pas du projet de société de Sarkozy !

    Alors que sa clique de boutiquiers aille squatter les médias pour réduire, dans leur discours, cette manifestation à l'expression d'une inquiétude face à la crise n'y changera rien. Seulement, ces boutiquiers nous indiquent par leur verbiage déplacé le niveau de leur surdité.

    En plus de nier les ressorts profonds de cette ire populaire, ces mêmes boutiquiers en arrivent à chercher à faire culpabiliser le peuple... vous vous rendez compte, ce n'est pas le moment de faire grève, avec la crise et tout le tutti quanti... et puis quoi encore, à cette cadence ils vont bientôt nous inventer la manif du quand tout va bien !

    J'ai manifesté parce que, comme tous les manifestants, je refuse le projet de société que nous imposent nos gouvernants actuels. Je refuse un projet qui sert quelques uns au détriment du peuple, un projet de société qui avait auguré sa mise en branle par un premier acte significatif : la mise en place d'un bouclier fiscal pour les plus fortunés et la décision du président fraîchement élu d'augmenter de façon significative son salaire ainsi que celui de ses boutiquiers. Ailleurs, un Obama a auguré son investiture par la décision d'une fermeture de l'ignominie (Guantanamo), d'un soutien significatif aux plus pauvres et d'une main tendue à tous pour un nouvel espoir pour plus de justice et de paix.

    La manif était belle, parce qu'il ne s'agissait précisément pas d'une manifestation sectorielle, de telle ou telle profession qui revendique, mais bien d'un élan d'un peuple qui envahit la rue, et qui d'une même voix dit son refus du projet de société qui est actuellement en œuvre.... les chômeurs, les sans papiers, les syndicalistes, les retraités, les fonctionnaires, les employés du privé, les blancs, les noirs, les arabes, les sans grades, les gradés, les femmes, les hommes, les jeunes, les profs,..., tout un peuple réunit pour un même refus.

    Yes we can !


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