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Les psychiatres ne sont ni les concessionnaires encore moins les propriétaires de lunivers de la folie
Voici le texte d'une amie psychiatre qui s'élève contre la stigmatisation par nos politiques publiques des enfants en difficulté :
La folie est un autre mot pour nommer la réalité ou la dimension psychique de chaque être humain, petit ou grand, elle nous concerne tous.
Si elle dépend du contexte historique, sociopolitique et culturel d'une époque, aujourd'hui il convient de souligner qu'elle semble dépendre étrangement du contexte économique. Nous sommes tous touchés par les outrances du système capitaliste et effectivement il est grand temps de se réveiller et de se mobiliser collectivement pour arrêter la casse des enfants en difficultés et la destruction systématiques des lieux, des moyens et des valeurs qui nous permettent d'accueillir, d'écouter et de soigner notre rapport à l'altérité.
Notre engagement analytique sous-tend un engagement politique radical.En effet cette dimension de l'altérité, de l'hétérogénéité que nous ne cessons de travailler avec les patients, petits ou grands, dans l'espace intime transférentiel, fait écho au rejet de l'altérité que nous vivons actuellement dans notre espace social embolisé, par des lois ou projets de lois haineux et meurtriers .
Les enfants nous apprennent ce qui leur en coûte de désobéir et de résister aux injonctions de formatage qui méconnaissent et dénient la subjectivité. Petits, leur agitation témoigne de l'obstruction de leur espace de pensée et d'individuation. A défaut de pouvoir se faire entendre ils donnent à voir : c'est dire qu'ils appellent, ces petits chercheurs de sens. Avant de pouvoir devenir un bon élève ils demandent à être reconnus dans leur singularité et que soient entendues leurs potentialités créatrices, imaginaires ou ludiques et leurs souffrances.
Adolescents, ils sont trop nombreux à nous dire "qu'apprendre ne sert à rien" car la toute puissance du commerce et de l'argent, la prévalence donnée aux images, aux apparences, saisies d'autant plus fortement ceux dont les parents absents à leur mission éducative et ceux que l'institution scolaire à déclasser. S'ils n'ont plus d'idée de métier dans lequel ils peuvent se projeter, exceptée celle récurrente de devenir footballeur, ils me disent qu'ils veulent "avoir de l'argent" tout en me racontant leurs cauchemars : ils se voient pris par le camion des ordures et jetés à la décharge !Les enfants qui n'écoutent pas leurs parents, qui ne suivent pas les consignes scolaires sont à l'écoute du monde qui les entoure. Ils sentent vraiment par quel monde ils sont meurtris. Ils sont violents car notre monde est violent. Mais derrière cette violence s'entend une tristesse mélancolique : celle du tout ou rien. Ils luttent contre le pouvoir des adultes qui les méprisent tout en les électrisant! Ils ne respectent plus les figures d'autorité car les figures d'autorité ne sont plus respectables quand elles s'acharnent à réprimer, à se polariser sur le comportement en niant la dimension du temps qui permettrait d'y donner du sens. Ils questionnent leur droit légitime d'avoir UNE PLACE à SOI. Qu'un avenir décent leur soit accessible est devenu plus qu'incertain et ils vivent avec un sentiment d'insécurité interne très dense, l'appréhension d'être maintenus en survie ou en surnombre, muselés et condamnés à une sous citoyenneté!
L'exclusion n'est pas seulement présentifiée par tous ces gens qui dorment dans la rue ou qui n'ont plus de travail. Elle sévit depuis plus de 10 ans dans les collèges et les lycées et depuis peu dans les écoles maternelles et primaires, sans que rien ne soit prévu en échange.
Les enfants qui résistent font l'objet d'une stigmatisation de plus en plus précoce au service d'un vouloir "orienter". Cette orientation hors du système scolaire classique les conduit à être fichés à la maison des personnes handicapées. Compte tenu de nos valeurs républicaines et démocratiques mais aussi du savoir colossal engrangé depuis plus d'un siècle par les sciences humaines, comment avons-nous pu ne pas interdire l'orchestration d'une telle ségrégation de la jeunesse ????? Comment répondre aujourd'hui de ne pas avoir pu empêcher une telle infamie !
Cette orientation peut parfois se différer ou s'annuler quand nous avons la chance d'être écoutés ou sollicités par les partenaires sociaux qui savent l'incontournable nécessité de donner à l'enfant le temps dont il a besoin pour tisser un lien de confiance avec un ou plusieurs interlocuteurs qui lui apporteront l'aide demandée à partir de ce qu'il aura créer pour nous appeler à la rescousse.Mais aujourd'hui les espaces d'élaboration psychothérapique ne suffisent plus. Tant de lieux d'accueil pour ces enfants si malheureux dans nos écoles de la République seraient à créer ! Les restrictions budgétaires et la collusion entre l'emprise de la bureaucratisation et l'hégémonie des nouvelles techniques objectivant les conduites, s'acharnent à pourrir ce capital créatif propre à la jeunesse et à entraver la vie de la pensée, celle des petits et celle des grands qui se doivent de rester à leur écoute ou à leur service !
Gilles DELEUZE écrivait en février 1977 :
"Le vieux fascisme si actuel et puissant qu'il soit dans beaucoup de pays, n'est pas le nouveau problème actuel. On nous prépare d'autres fascismes. Tout un néo-fascisme s'installe auquel l'ancien fascisme fait figure de folklore. Au lieu d'être une politique et une économie de guerre, le néo-fascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d'une "paix" non moins terrible avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de micro-fascistes, chargés d'étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte."
LILIANE IRZENSKI - PARIS, 3 FEV. 2009
PsychiatrePS : Ce texte sera lu au Meeting de "La Nuit Sécuritaire" du 7 février
Samedi 7 février, de 14 h à 18 h
"La Parole Errante à la Maison de l'Arbre",
9 rue François Debergue
93100 - Montreuil-sous-Bois,
Metro Croix de Chavaux.(métro ligne 9).
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Commentaires
On peut mettre le lien vers la pétition et son argumentaire : http://www.collectifpsychiatrie.fr/phpPetitions/index.php?petition=1 Et parce que la psychiatrie est une branche de la médecine, et que la santé se porte mal depuis que la peur est utilisée comme mode de gouvernement - peur de l'autre, peur de l'agression, réelle ou fantasmée, peur de la ruine, peur de la maladie - voilà un témoignage d'un médecin qui me paraît intéressant : http://enattendanth5n1.20minutes-blogs.fr/archive/2009/02/05/pour-installer-un-systeme-a-l-americaine-il-faut-briser-la-m.html