• Extrait du roman (le début)

    Y a pas. Il faut que je balance, que j'en parle, mieux, que je le grave sur papier à la technique lu boxeur thaï, highs kicks, coups de genoux et toute la daube qui traîne avec. Comment vivre sans survivre? Comment régler cette question? La question qui tue, qui me tue. Avec les poings et les mots, j'ai fini par faire le choix de me raconter. Une envie urgente de balancer mes tripes, vider ces nerfs qui me bouffent la tronche et faire ce que j'ai à faire. Les mots, il faut que je les balance comme je balance mes poings et mes jambes sur le ring. Pas de cinéma, pas de bla-bla qui te bouffe ton jus, du punch bien lourd et qui sonne, du vrai de vrai, de l'authentique, une bonne dose d'instinct et quelques larmes de raison. Des mots qui suintent les nerfs, ceux qui sont gravés sous forme de deux rides entre mes sourcils, ceux qui nie rongent le corps au point d'en péter les plombs. Pas de détours, ni de contours, cracher le morceau pas digéré et qui m'étouffe.Une envie urgente de me vider, comme lorsqu'on a super envie de pisser.

    L'ambiance est bizarre dans ma tête en ce juillet de l'an 2002. Le Pen au deuxième tour des élections présidentielles, les Twin Towers explosées dans un spectacle télévisé en direct live, des images d'hommes égorgés sur la place publique en Afghanistan, des pétasses qui se dandinent comme des asticots en criant qu'elles veulent réussir à Star Academy, des gens qui pleurent parce qu'une tempête a mis à terre leur vie, des gens qui manifestent et qui hurlent dans un dernier râle, tout comme des bêtes qu'on égorge, leur révolte face aux plans sociaux dont ils sont les victimes, des émissions télé où des gens viennent donner leurs misères en spectacle, c'est à se demander comment on arrive à gérer tout ce flot d'images et de misères dans nos têtes, putain quel monde de fous, c'est à prendre sa télé et à l'exploser contre le mur pour oublier tout ce foutu merdier et s'en foutre. Mais le problème c'est qu'en bas de mon bloc c'est pareil qu'à la télé. Putain dans quel monde de ouf je vis ou plutôt je survis !

    Et malgré tout ça, l'enthousiasme et l'euphorie étaient à leur comble le soir du 14 juillet. Les feux d'artifice grondaient comme des canons et faisaient frémir les vieux qui se remémoraient le vacarme de la guerre mondiale. Les gremlins, les gamins du quartier, trouvaient là le moyen de faire chier leur monde pendant quinze jours, et il faut savoir que les gremlins d'aujourd'hui n'aiment que les gros pétards qui te font vibrer les immeubles, et ils affectionnent tout particulièrement de s'adonner à cette activité à l'heure où les gens dorment. Et personne n'osait les engueuler par peur de devenir leur cible, chacun subissant les grondements de leurs pétards et espérant qu'ils finiraient par s'arrêter. Mais ils ne s'arrêtaient pas, ils prenaient un malin plaisir à manifester leur toute-puissance, et les fusées aussi pétaradaient dans les airs, près des fenêtres. Les adultes sont devenus peureux, ils sont effrayés par la violence de leurs mioches.

    Je m'étais aventuré dans les rues de Paname au volant de ma Uno. Rien à foutre ce jour-là, et pas envie de rester cloîtré dans ma piaule ni d'aller avec les gars braquer des sacs dans les bagnoles qui s'arrêtent au feu rouge, à exploser la vitre côté passager avec un marteau pour ensuite choper le sac qui est posé sur le siège, sous la stupéfaction du conducteur qui ne sait jamais ce qu'il doit faire. J'étais monté dans ma Uno, et elle m'a amené au beau milieu de Paname. Les Parisiens étaient tout étranges, ils souriaient, plaisantaient et échangeaient sans se connaître...

     


  • Commentaires

    1
    annette
    Samedi 19 Février 2011 à 19:16
    Dit Violent
    Difficile de se transformer en critique littéraire, il me suffirait de dire que j’ai aimé «Dit Violent» et qu’il fait partie des bouquins que je garderai quand, par manque de place, je devrai me séparer d’une partie de ma bibliothèque! Je l’ai trouvé remarquable par la forme: l’utilisation d’un vocabulaire et d’un style différents en fonction des situations ou des sentiments de Mehdi ajoute à la compréhension de ce personnage complexe, c’est particulièrement saisissant quand on passe du chapitre «sexualité» au chapitre «Marie». L'histoire et le comportement imprévisible de Mehdi, ses souffrances, sa violence dont on craint le pire nous tiennent en haleine. «Dit Violent» est considéré comme le précuseur et le modèle de la littérature dite urbaine, certes Mehdi est un jeune des cités, le décor est celui des cités et le roman est en phase avec notre temps mais il est plus que cela, c’est une oeuvre littéraire universelle et intemporelle car «la bestiole» qui trotte dans la tête de Mehdi fait de lui un personnage hors du temps.
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